Sabahat Akkirraz chante magistralement aussi bien une foi d'inspiration soufi que des chants dédiés à l'amour de la nature. Cette grande chanteuse de l'Anatolie appartient à la tradition alévite. Une tradition soufi chiite où se mêlent d'anciennes influences chamanistes venues d'Asie centrale et une véritable vénération pour Ali le gendre du Prophète. Sabahat Akkiraz est l'une des dernières chanteuses traditionnelles d'Anatolie car elle tient son savoir des « esik » ces poètes et maîtres de la parole contemplative et mystique. L'aspect spirituel de la poésie de certains « esik » dont la figure marquante fut Pir Sultan Abdal (XVIie siècle) est justifiée en Anatolie précisément par leur appartenance à la tradition alévite. Les chants qu'ils soient réservés à l'audition pure ou à l'accompagnement des danses sacrées sernah sont tous habités par le nefes signifiant textuellement « souffle » dans le sens de souffle d'inspiration. Ce souffle est imprégné d'une certaine conception de l'univers où la notion du divin rejoint celle d'une harmonie naturelle à l'image de cette terre anatolienne qui vit naître au XIII' siècle l'ordre Mcvlevi du grand mystique Jalal al-din Rumi à Konya. Le chant de Sabahat Akkiraz se veut aussi une symbiose avec la parole de l'ozan le ocè:e de la tribu. Comme lui elle parle d'un monde différent et lointain un monde autrefois en désaccord par sa revendication avec le politique ou au contraire aujourd'hui banalisé par un nouveau phénomène de mode Soufi exploité par les médias. Sabahat Akkiraz née il y a quarante ans au sein d'une humble famille de Sivas se veut ce conserver l'enseignement de son rnare 8ektas Véli Là aussi c'est le luth (ici le saz à un manche) qui comme dans la tradition mê_'itanienne ou berbère porte la voix de la femme. Cette femme choisie elle-même à son tour pour porter la parole d'une communauté aux prises avec la richesse de son héritage.